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Le monde des chênes

Le genre Quercus est largement méconnu. Recouvrant, un spectre de biotope extrêmement large, Thierry Lamant nous introduit dans le monde des chênes, pour en percevoir la diversité.

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Le genre Quercus constitue un cas unique dans le monde des ligneux. S’il est un genre riche en taxons (436 suite aux révisions taxonomiques et études récentes), il en existe de bien mieux lotis que lui chez les arbres en termes d’effectifs comme les genres Diospyros et Eucalyptus qui atteindraient voir dépasseraient les 700 taxons.

Cependant, les chênes sont les seuls ligneux au monde à couvrir un spectre écologique maximum. En effet, ces ligneux colonisent du niveau de la mer à plus de 4600 mètres d’altitude, des climats complètement contrastées allant des forêts tempérées au équatoriales en passant par les tropicales sèches, les formations en limite de forêts boréales ainsi que l’étage alpin. On rencontre donc les chênes de Bornéo au sud du Canada… et comme si cela ne suffisait pas, des sols semi-arides aux terres engorgées des marécages !
Seul le genre Rhododendron, mais qui ne comporte pas une majorité d’arbres mais bon nombre d’arbrisseaux pourrait rivaliser avec les chênes bien que son spectre écologique soit effectivement moins large.
Évoquer la systématique des chênes, sans pour autant être trop technique, permet de présenter au mieux cette diversité qui s’exprime aussi par la morphologie.
Si effectivement les chênes sont uniques en termes de diversité pédoclimatique, on trouve là encore un grand écart puisque les plus grands chênes tutoient les 60 mètres (Quercus corrugata en Amérique centrale) de hauteur mais certains ne dépassent pas le mètre à l’état adulte (Quercus hinckleyi au Texas) dans leur milieu naturel.
Cette unique diversité m’a orienté effectivement vers ce genre alors que j’avais accroché le wagon de la dendrologie, vers l’âge de 16 ans à partir des conifères et d’un cyprès chauve (Taxodium distichum) situé dans le parc de mon village. Ensuite, la vie nous réserve quelques bonnes surprises et des coups de hasard. Ainsi j’ai eu la possibilité de travailler à l’arboretum national des Barres de Nogent-sur-Vernisson en tant que responsable du suivi des collections botaniques et de son approvisionnement en graines. Ce lieu prestigieux m’a permis de rencontrer de nombreux botanistes et l’un d’eux, originaire des Etats-Unis et président de l’IOS (Association Internationale des Chênes) m’a convaincu de rejoindre cette association et de participer à une conférence en Californie durant l’automne 1997. Je me suis alors pris d’un intérêt sans limites pour la flore des milieux semi-arides d’altitude plus ou moins élevée où cohabitent yuccas, cactées mais aussi des conifères comme les pins et bien entendu de nombreux chênes.

Quercus virginiana. ©Michel Timacheff
Quercus virginiana. ©Michel Timacheff

Ce fut le départ d’une grande aventure qui pris une autre dimension avec la rencontre de deux membres belges de l’IOS en 1999 à la faveur d’un colloque que j’avais organisé sur les chênes méditerranéens. Cette rencontre a débouché sur un projet d’ouvrage sur les chênes qui s’est concrétisé en 2007. Pour ce faire, j’ai parcouru différents pays : la Chine, Taiwan mais surtout les Etats-Unis et le Mexique où j’ai pu me consacrer pleinement à l’étude de formations forestières semi-arides qui me passionnent et qui renferment un réservoir très large de végétaux à la fois résistant au froid, au sec et au chaud. Ces mêmes espèces qui correspondent aux qualités exigées par ce que nous devons planter demain, au moins en ville, pour répondre aux changements climatiques.
En effet et d’un point de vue géographique, c’est le continent américain qui est le plus riche (240 taxons) et ce, grâce au Mexique, qui avec près de 160 taxons dont une centaine d’endémiques constitue le véritable pays des chênes. Une des plus belles de ces espèces est Quercus rysophylla, malheureusement très difficile à trouver dans le commerce ornemental.

Malgré cela, j’ai planté dans mon petit jardin un certain nombre de ces chênes ainsi qu’un pin mexicain. Ce jardin est donc devenu une expérimentation en plein air où ces arbres ont traversé de grands froids prolongés de minima absolu à (-15 C), des vents desséchants (3 semaines en février 2012), la sécheresse de 2015 ainsi que les canicules de 2003 et 2006.
Ainsi Quercus gravesii et Quercus graciliformis du Texas montrent une formidable vigueur et aucune de leurs feuilles n’a grillé durant les canicules contrairement à nos chênes autochtones.
Quant à Quercus hypoleucoides, il a montré qu’un chêne persistant pouvait aussi résister sans le moindre problème à de très basses températures.
L’un des essais concerne une haie de 24 m linéaire de Quercus phillyreoides qui démontre à quel point ce petit chêne asiatique constitue une des excellentes alternative possible aux sempiternelles haies de Thuja plicata ‘Atrovirens’ et de Photinia x fraseri ‘Red Robin’.
Il reste dès maintenant à faire connaitre ces espèces afin qu’elles prennent la place qu’elles méritent dans nos jardins et espaces verts urbains.

 

Images de chênes

Quercus alba.  ©Michel Timacheff
Quercus alba. ©Michel Timacheff
Quercus myrsinifolia. ©Thierry Lamant
Quercus myrsinifolia. ©Thierry Lamant
Quercus monimotricha. ©Eike Jablonski
Quercus monimotricha. ©Eike Jablonski
Quercus rotundifolia. ©Michel Timacheff
Quercus rotundifolia. ©Michel Timacheff
Quercus chrysolepis. ©Michel Timacheff
Quercus chrysolepis. ©Michel Timacheff
Quercus rysophylla© Thierry Lamant
Quercus trojana ©Thierry Lamant
Quercus phillyroides. ©Thierry Lamant
Quercus phillyroides. ©Thierry Lamant
Quercus phillyroides. ©Thierry Lamant
Quercus phillyroides. ©Thierry Lamant

 

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Pour référencer cet article :

Thierry Lamant, Le monde des chênes, Openfield numéro 7, Juillet 2016