Enfant, mon père m’a expliqué les phénomènes de « la Pangée » et de la dérive des continents, j’ai alors compris que certains grands morceaux de terre étaient rentrés en contact et que par la force de cette rencontre, ils s’étaient soulevés l’un sur l’autre et avaient formé ainsi des reliefs. Colline, montagne, massif, j’imaginais un réel plissé, haut, qui accrochait la neige et par qui derrière lequel se cachait le soleil.
La peintre Fabienne Verdier lors d’un voyage d’études en bateau le long des fiords norvégiens* explique : « C’était une expérience totalement folle de comprendre comment une ligne évolue et comment tout d’un coup, on en découvre une derrière, et ensuite une troisième… J’ai découvert comme ça, qu’en quelques traits, on pouvait partir dans l’ossature du monde ».
Je suis peintre, dessinatrice, paysagiste, danseuse, voyageuse ; d’une manière similaire, par de nombreux voyages le paysage s’est alors soulevé devant moi. Je me suis mise à arpenter, traverser et j’ai tenté de représenter ces reliefs. Mon corps a appréhendé la juste distance « face », se reculer, avancer, s’immerger. Il s’agissait de pouvoir tout embrasser, de sentir les justes plis et de faire « apparaître ». Avec des crayons, des pastels secs et gras, des encres, j’ai monté mes lignes et suivi ces horizons étranges. La couleur bleue garde la concision du noir, mais elle permet des intensités et une lumière plus diffuse pour dessiner ces « masses » qui se posent sur le sol, remplissent l’horizon et découpent le ciel.