Rester curieux, voilà le plus dur. C’est pourtant la clef de la réussite, probablement dans tous les domaines et particulièrement dans le monde du vivant, en constante évolution. En ce qui concerne le végétal, les idées reçues et aprioris sont nombreux, il est parfois trop tard pour tout déconstruire. L’Arboretum Cimetière Parc de Nantes expérimente sans cesse, humblement, afin d’offrir au public la plus grande diversité d’arbres et arbustes. Grâce à un sol argileux, profond, riche en humus, et gestion respectueuse du vivant, le parc est devenu, depuis quelques années, un grand terrain de jeux végétal où les concessions funéraires passent en arrière-plan.
Aucun genre n’est mis de côté, aucune espèce, les seuls facteurs limitants sont climatiques et édaphiques. Le plus déstabilisant pour le grand public est d’explorer la diversité des genres connus pour seulement quelques taxons, voir même un seul taxon. C’est le cas du fameux Photinia x fraseri ’Red Robin’, seul membre connu d’un genre qui compte pourtant une trentaine d’espèces dans le monde. Parmi elles, on trouve des espèces caduques comme Photinia villosa (parfois rattachée au genre Pourthiaea) originaire du Sud-est asiatique. Morphologiquement, cette espèce est à l’opposé du légendaire clone ‘Red Robin’ : son port est arbustif, 3 à 4 m de haut pour 3 à 6 m de large, ses feuilles sont caduques et petites, 4 à 8 cm de long et arborent de belles teintes rouge-orange en automne.
D’autres espèces méritent notre attention comme Photinia niitakayamensis, de Taiwan, arbuste aux feuilles persistantes très étroites et Photinia beauverdiana, petit arbre caduc dont la fructification rouge est abondante et spectaculaire en automne.
J’en profite pour parler d’un autre aspect problématique dans la conception des jardins : la méconnaissance des dimensions réelles des végétaux. Reprenons l’exemple du Photinia x fraseri ‘Red Robin’. En réalité il s’agit bien d’un arbre et non d’un arbuste de 2 m x 2 m comme les pépinières aiment le mentionner sur les étiquettes. Dans leurs milieux naturels, les 2 parents de cet hybride, Photinia serratifolia et Photinia glabra sont des arbres pouvant atteindre 10 m de haut. En l’absence de taille, l’hybride x fraseri peut lui aussi devenir un petit arbre. Avant de planter, il est donc primordial de bien se renseigner sur les caractéristiques d’une plante.
Dans le même esprit, le genre Ilex est tout autant méconnu et sous-exploité. Il compte plus de 550 espèces réparties sur les 5 continents ! Pourtant, dans les jardins français on ne voit généralement que des cultivars d’Ilex aquifolium et des hybrides comme Ilex x koehneana ou encore Ilex x altaclerensis. Comme dans le genre Photinia, il existe de nombreux houx à feuilles caduques, totalement dépourvus d’épines. Une espèce m’avait particulièrement dérouté lors d’un voyage botanique dans le Yunnan (Chine). À tel point qu’il a fallu plusieurs semaines après mon retour pour pouvoir l’identifier. Il s’agit d’Ilex macrocarpa, une espèce caduque qui porte bien son nom, avec ses gros fruits noirs (pied femelle) au long pédoncule. Quel que soit le sexe, les fleurs sont très parfumées en milieu de printemps.
Pour finir, je prendrai arbitrairement un dernier exemple, celui du genre Magnolia. Vous avez certainement déjà entendu des personnes vous dire : il y a deux sortes de Magnolia, les persistants aux États-Unis et les caducs en Asie. Difficile d’être plus éloigné de la réalité tellement le genre Magnolia est d’une incroyable diversité. Avec plus de 350 espèces, on en trouve principalement dans le sud-est de l’Asie, aux États-Unis, en Amérique Centrale et dans la moitié Nord de l’Amérique du Sud. Il y a bien entendu de nombreuses espèces persistantes en Asie et des espèces caduques aux États-Unis. Ces dernières années, à Nantes, nous avons décidé de nous concentrer sur les espèces persistantes asiatiques, principalement aux sections Michelia et Mangletia du genre. Cela représente une centaine d’espèces et de nombreux hybrides et cultivars. Parmi les taxons qui fonctionnent bien, on peut citer Magnolia martinii, avec sa belle floraison jaune en février et Magnolia maudiae, avec son port arbustif et son abondante floraison blanche en fin d’hiver. Nous testons également de nombreux cultivars de Magnolia laevifolia, une espèce arbustive de 2-3 m de haut d’une grande diversité morphologique. De nombreux taxons de la section Michelia proposent des ports arbustifs et de longues floraisons parfumées, idéal pour les petits jardins de particuliers qui n’auraient pas eu la place pour un Magnolia x soulangeana par exemple.