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L’ombre

Alors que commence un nouvel épisode de canicule, nous vous proposons un numéro sur l’ombre. Peut-être allez-vous le lire, retranchés dans vos intérieurs, derrière les rideaux et les stores tirés ou, pour ceux qui auront cette chance, sous l’ombre épaisse et fraîche d’un noyer. Nous découvrons année après année ces intérieurs assombris, cette lumière filtrée par des draps blancs que nous ajoutons les uns après les autres, faisant la chasse aux derniers rayons parvenant à percer. Dans ces moments, le moindre d’entre eux fait presque mal, à l’œil, à la peau et à l’âme, le soleil devient un étrange ennemi…

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C’est cette sensation qu’il faut garder à l’esprit en regardant défiler les photographies prises par Lou Marzloff dans Singapour. À travers un reportage photographique le temps d’une journée, elle nous raconte les stratégies d’évitements des habitants de cette ville pour ne pas s’exposer au soleil. La ville se voit contrainte de s’adapter, plantant en masse, adaptant son architecture tout en continuant, selon cet immense paradoxe qui nous concerne tous, de progresser en détruisant les forêts existantes. Cette question de l’ombre en ville, Christian Vigouroux revient dessus longuement, explorant à travers une variation de textes allant de la littérature au chapitre 6 d’un règlement d’urbanisme, le rapport permanent et complexe de la ville avec la lumière. L’ombre y joue tous les rôles, les bons comme les mauvais, à la fois angoissante et salutaire. Dans les campagnes aussi elle devient un enjeu majeur, elle a peu à peu disparu de certains territoires, lorsqu’à grand coup de remembrement on fit progressivement tomber les arbres et les haies, exposant à la lumière crue les pâturages et les cultures. Chloé Baudry nous raconte comment son grand-père, conscient sans doute de la gravité de l’évènement avait cartographié leur abattage progressif, luttant par ce dessin contre cette violence infligée aux hommes, aux animaux, aux paysages.
L’ombre nous amène à la nuit et soudain tout bascule devant nos yeux. Loin des villes, on peut lever les yeux et regarder un tout autre paysage, la magie intacte (ou presque) d’un ciel étoilé. Des territoires, conscients de la richesse de ce patrimoine, se constituent en réserve de ciel étoilé, Violette Janet Wioland, chargée de mission au PNR de Millevaches, revient sur la mise en place de ce label et sur les enjeux que ce classement implique.
Nous achevons ce numéro à travers trois travaux d’artistes, trois déclinaisons de l’ombre. Léna Maria nous propose une série de photographies issues d’un travail au long cours : des paysages nocturnes, un monde qui loin d’être en noir et blanc se révèle tout en couleur. Christophe Gonnet nous raconte son expérience d’artiste installé pendant quelques semaines au cœur d’un sous-bois, au contact d’un marais. L’œuvre se dessine jour après jour dans ce lieu, l’artiste s’en va, un doute subsiste. Avec le travail de Lise Terdjman, nous revenons finalement à nos intérieurs, où celles que nous appelons mal nos plantes vertes nous accompagnent en ces jours d’extrêmes chaleurs. L’artiste observe et interprète, à travers l’écoute et le dessin, le lien qui se tisse entre les plantes et l’habitant, un lien souvent mêlé d’histoire, de vécu, d’amitié. Un lien important.

En vous souhaitant un bel été et de belles lectures,

Armande Jammes pour Openfield

 

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Pour référencer cet article :

Openfield, L’ombre, Openfield numéro 19, Juillet 2022