Saison 1, épisode 1
Jeudi 19 mars 2020
Vallée du Mars, col d’Aulac, Cantal. C’est une belle matinée de septembre. Les premières morsures du froid ont peut-être commencé à colorer le paysage, mais le dessin n’en témoigne pas. Au trait, s’affirme la brutale rupture de pente, la béance d’une ancienne vallée glaciaire, encadrée par l’espace ouvert des estives. Nous fabriquons l’atlas des paysages d’Auvergne, en sillonnant la région avec une camionnette spécialement affrétée pour partager cette expérience de terrain. Avec nous, un éleveur témoigne : « les montagnes [c’est-à-dire les terrains d’estive], la partie la plus précieuse de nos exploitations ». Il liste les centaines de burons abandonnés, où l’on fabriquait les tomes pendant les quatre mois de séjour des troupeaux et des hommes en altitude. Lui a restauré le sien en auberge panoramique. Il liste les transformations de ce paysage, la spéculation sur le foncier, avec des terrains sectionnaux (à usage collectif) qui deviennent des enjeux pour la « prime à l’herbe ». Des acheteurs lointains prennent ici des terres. Les haies s’épaississent, faute d’entretien, de soin quotidien. La route du bas a été élargie par le Conseil général, pour désenclaver la vallée. Selon notre interlocuteur, les rideaux d’arbre qui viennent pousser autour fabriquent un autre enfermement.
Un paysage sous tension, n’est-il pas un paysage vivant ?
http://atlaspratiquedespaysagesdauvergne.over-blog.fr/
https://journals.openedition.org/soe/1564#tocto1n2
Saison 1, épisode 2
Lundi 23 mars 2020
Quinéville, Manche. Le « trait de côte » est une notion qui m’énerve. Qui ayant déjà regardé la mer peut prétendre identifier un trait dessinant la ligne de partage entre terre et mer ? Il faudrait faire l’archéologie de l’expression « trait de côte ». Peut-être a-t-elle été inventée par quelqu’un qui était un amateur de la « ligne claire » ? Pourtant, le dessinateur comme le cartographe doivent bien, à un moment, poser le trait. Tous nos malheurs viennent de là (en plus, dixit Pascal, de pas savoir rester seuls dans une chambre). Si le littoral recule, reculons avec lui, sans attendre. Non pour entériner une quelconque attitude (faire face ou accompagner la transformation), mais d’abord pour voir. Ne pas se tenir sur un espace en crise, mais envisager de nouveaux points de vue sur cet espace, tenter de voir à travers le présent comment on verra, plus tard, lorsque le dessin de la frange littorale aura changé. J’ai aimé ces villages du Cotentin, implantés à bonne distance de la mer, sur ce que les gens appellent ici le « terrain » : la terre ferme, par opposition à l’estran, au rivage et aux marais littoraux qui composent ici une riche gradation. C’est depuis ces villages que s’inventeront de nouveaux rapports à la mer, et non depuis les cordons condamnés qui aujourd’hui la bordent.
https://www.vdseine.fr/fileadmin/Site_Vallee_de_la_Seine/Ressources/Paysage/Voyage_ atelier_2017/PaysagesVdSeine_VA17_4pages_vf.pdf
Saison 1, épisode 3
Jeudi 26 mars 2020
Les plaines de l’Illinois, États-Unis. Dessiner, c’est ordonner un arrêt dans le mouvement de la vie. Et comme bien souvent nos vies sont en mouvement, provoquer l’arrêt relève d’une forme de violence. En traversant la plaine, qu’est-ce qui peut bien provoquer l’arrêt, sinon une décision qui s’impose à soi, lorsqu’on comprend que bientôt il sera trop tard, que la mémoire est en train de compacter des dizaines de kilomètres avalées en un rien, un zéro parfait ? Alors un carrefour, un bas-côté élargi, l’amorce d’un chemin sont saisis comme l’opportunité pour tout stopper, et advienne que pourra. La plaine égrène son paysage depuis des kilomètres. Les chaumes de maïs secs se mêlent peu à peu à la terre grasse, noire. Ce hangar en bois et en métal, nous l’avons vu vingt fois, ce carrefour au long de la grille, idem. La torpeur nous guettait, dans l’habitacle. La route est droite, le vent nous pousse, et rien ne fait obstacle dans l’espace de la plaine. C’est à ce moment-là qu’il est important de provoquer l’arrêt, d’aller y voir. Se déporter de quelques dizaines de mètres pour relativiser l’emprise de la route. Certes, elle structure cet espace américain divisé par la grille. Mais elle n’est qu’un moyen ; le fond, c’est l’agriculture, la mise en place d’un projet agricole, voire agrarien, résolument et obstinément tourné vers la mise en culture du sol. C’est cela qu’il faudrait parvenir à exprimer dans le dessin. Mais déjà s’ajoutent bien d’autres informations : ces bosquets, ces bouquets d’arbres, ne signalent-ils pas les lieux de vie ? Ils semblent offrir les conditions d’abri minimales pour faire face aux grands coups de blizzard, dont nous ne pressentons qu’à peine la violence dans les quelques bourrasques froides de cette journée de novembre. Et le clocheton, sur la grange ? Assure-t-il sa bonne ventilation ? Sa présence n’offre-t-elle pas un repère rassurant dans l’immensité, comme ailleurs un clocher d’église ? N’y a-t-il pas quelque chose de religieux dans cette mise en culture obstinée ? Le vent nous emporte à nouveau et mes questions restent suspendues à la pointe du crayon. Au moins je les embarque avec moi.
http://patrickbeaulieu.ca/ventury/
Saison 1, épisode 4
Mardi 31 mars 2020
La Seine à Guerville (Yvelines). De l’endroit où nous nous trouvions, je pouvais saisir en un seul coup d’œil la centrale thermique de Porcheville, l’A13 et un bout de l’immense carrière de Guerville. Ouverte dans un magnifique banc crayeux, celle-ci connaissait comme une sorte de deuxième âge : des myriades de camions y apportaient un matériau exogène, impossible à identifier depuis notre point de vue. Nous supposions que la capitale y exportait là le produit de ses multiples chantiers d’excavation : ZAC, métro du Grand Paris, etc. Notre position exigeait un dessin rapide : nous devions nous retirer assez vite du chantier de mise à deux fois trois voies de l’autoroute. D’ailleurs, la langue rocheuse qui nous offrait ce surprenant point de vue serait elle-même dégagée pour les besoins du chantier. Le coteau boisé restant appartenait à un site Natura 2000. « Il a été déclassé », nous avait dit, sans sourciller, l’ingénieur nous ayant aimablement accueillis sur le site. Qu’est-ce qui ne va pas bouger ici ? Que va devenir la centrale de Porcheville après sa mise à l’arrêt ? Cécile me dit que ses hautes cheminées font écho à celles qui dominent le port du Havre et appartiennent en quelque sorte à tous les habitants de la vallée de la Seine. J’imagine que si j’avais été un enfant balloté entre Paris et la Normandie, pour des raisons familiales par exemple, j’en aurai fait en effet une porte symbolique le long de mon trajet, au même titre que le tunnel de Saint-Cloud… Et la Seine, que devient-elle ? Les îles au large de Porcheville ont été effacées pour les besoins de la navigation. Plus haut on entre à la fois dans des zones de captage d’eau potable, mais aussi dans le secteur des usines Renault de Flins. Nous rêvons qu’une partie du transport logistique se reporte de la route vers le fleuve, à condition que son étiage demeure propice à la navigation. Et que les cheminées soient conservées pour ne pas priver les milliers d’automobilistes d’un amer familier. Le dessin ne décide pas de tout. Il nous met cependant sur la voie d’une possible argumentation.
https://www.youtube.com/watch?v=t55yrDz_jn0&feature=youtu.be
Saison 1, épisode 5
Jeudi 2 avril 2020
Jardin de Matthieu Guillot, Arçais (Deux-Sèvres). C’est un dessin que j’ai plaisir à regarder en ces temps d’isolement. En octobre 2017, le Civam du Marais mouillé avait accueilli le chercheur François Léger, qui étudie les microfermes. Matthieu, paysan inventif, avait proposé d’ouvrir son jardin pour témoigner, avec beaucoup de lucidité, sur les conditions de son travail de maraîchage, ses circuits de vente, ses relations de voisinage, la complémentarité de ses activités. Des voisins, les familiers des rencontres du Civam et des jeunes de la maison familiale rurale étaient venus l’écouter. Filles ou fils d’agriculteurs, l’un d’eux avait ri quand Matthieu avait donné le chiffre de sa consommation annuelle de carburant : « nous c’est ce qu’on met chaque jour dans le tracteur ! ». Ce dessin constitue une illustration d’un principe que François Léger avait explicité, le soir même, dans une conférence donnée au foyer rural du village : la ferme est plus qu’un lieu de travail, c’est un cadre de vie. L’ancrage dans le territoire, les réseaux relationnels, l’entourage sont constitutifs du projet de ces microfermes. Le débat qui avait suivi, dans lequel intervenaient des agriculteurs voisins, établis sur de plus grandes surfaces, avait montré qu’il demeure une incompréhension, un écart entre les objectifs et les modes d’existence qu’impliquent les choix de ces agriculteurs si différent. À distance, cette discussion m’évoque un passage du Chant des pistes, de Bruce Chatwin, que je ne retrouve pas (de l’utilité d’annoter les bouquins). Des militaires australiens proposent aux membres d’une tribu aborigène de faire une course à travers le bush. Ils partent. Les militaires arrivent, mais pas les autres : en chemin, les aborigènes ont trouvé du miel et ont bifurqué sur une autre piste. Et plus qu’une piste, une autre ligne. Je crois que cette autre ligne, c’est ce qui se racontait dans le jardin de Matthieu, cet après-midi-là. Ces jours-ci, le travail de ces microfermes prend un relief particulier, tout comme celui des AMAP, dans leur environnement relationnel direct. Les liens qu’elles tissent semblent au final plus solides que bien des organisations, révélées dans toute leur fragilité ou leur inconsistance.
https://www.researchgate.net/publication/282865645_Aspirations_strategies_et_compro- mis_des_microfermes_maraicheres_biologiques
https://reporterre.net/Les-Amap-ilots-de-lien-social-dans-l-ocean-du-confinement
Saison 1, épisode 6
Lundi 6 avril 2020
La Haute-Besse, commune de La Villedieu (Creuse). Les bosses forestières de la petite montagne limousine. Deux dessins réalisés depuis un même point de vue, une prairie gagnée sur les bois par Thierry Letellier, agriculteur, et maire de la commune de La Villedieu. Presque une décennie d’écart entre les deux croquis. Une situation d’observation qui demeure cependant la même : en présence d’étudiants, avec les précieux commentaires de notre hôte. La première fois, je ne les enregistre pas, je me contente de les écouter, pensant les graver dans ma mémoire tant est précise la connaissance de Thierry, et sont percutantes ses réflexions. Presque une décennie se passe et la mémoire essore le tout. Ne subsiste que ce qui peut être déchiffré derrière les formes, à la surface du papier, mais ça n’est pas grand-chose. La deuxième fois, je prends garde à consigner des fragments de ce que j’entends. Le fait de dessiner permet de pointer dans le grand paysage des secteurs où, visiblement, « il se passe quelque chose ». Reliefs saillants, boisements coupés, arbres décharnés, lieux de vie reculés, sources taries… en présence de son poisson-pilote, le dessinateur peut instantanément poser la question et obtenir une réponse. Et susciter de nouvelles questions, adressées cette fois-ci à un paysage qui prendra peut-être dix années à nous répondre. Il faudra revenir. Les photographes connaissent ainsi une procédure de retour sur leurs points de vue fétiches, parfois dans le cadre de missions spécifiquement dédiées à l’observation du paysage. Mon ami Pierre Enjelvin dit souvent que la photographie n’est pas objective, mais qu’en revanche la reconduction l’est. Côte à côte, deux campagnes photographiques permettent d’objectiver les transformations d’un paysage. Le dessinateur aurait du mal à revendiquer cette capacité. Pourtant l’exercice est intéressant à tenter, d’autant plus si la situation permet, en relation avec la souplesse qu’offre la saisie au trait d’un paysage, de consigner un témoignage. Des métadonnées en quelque sorte. Et au fait, que devient la montagne limousine ? Elle se défend, elle s’organise, elle prend la parole, comme toujours. Grâce à un Syndicat de la montagne limousine en gestation. Des paysagistes y participent sûrement…
https://www.projetsdepaysage.fr/fr/retour_au_terrain
https://www.journal-ipns.org/les-articles/dossier-la-montagne-limousine-une-foret-habitee
Saison 1, épisode 7
Vendredi 10 avril 2020
Parc du Mont-Royal, côte Placide, Montréal. Une fin de journée d’été à la lisière du parc du Mont-Royal. Tandis que l’ombre progresse sur le flanc oriental de la montagne, le dessinateur hésite à noircir le dessin à mesure qu’il ressent le déclin de la lumière. Il goûte au retour de la fraicheur. Les milieux forestiers voisinent avec les très grandes pelouses, ouvertes aux usages des habitants des quartiers proches, qui s’y attarderont longuement en soirée. Que deviennent aujourd’hui, en situation de crise sanitaire, les grands parcs urbains nord-américains ? À Montréal, aux dernières nouvelles [6 avril], le parc reste ouvert. Les stationnements ont été fermés pour restreindre la fréquentation à la population vivant à proximité. À New York également, les parcs demeurent ouverts, avec des restrictions sur les usages, comme le sport collectif. Les parcs conservent-ils la trace, par-delà les âges, du réformisme social dont ils sont issus ? Que disent les experts de la santé publique du rôle que joue le paysage vis-à-vis de la santé des populations ? Que dirait Frederick Law Olmsted de la situation que nous traversons aujourd’hui ? Voir aujourd’hui s’installer un hôpital de campagne à Central Park forme un curieux court-circuit de l’histoire. Quand éclata la Guerre de Sécession en 1861, le parc était en chantier depuis à peine cinq ans, et connaissait un succès immense. Olmsted, qui y travaillait depuis son origine (avec l’architecte Calvert Vaux), épuisé par ses relations avec les édiles new-yorkaises, se déplaça sur un autre chantier d’ampleur : il contribua à organiser le système de secours aux blessés de la guerre, en administrant la US Sanitary Commission. Son efficacité organisationnelle y fut déterminante, notamment en ce qui concerne le transport des blessés, y compris au moyen de navires-hôpitaux qui furent aménagés sous sa responsabilité. En 1864 il partit pour la Californie, où il milita pour la protection de la vallée de Yosemite. Vaux le rappela à New York en 1865 et débuta son impressionnante carrière de paysagiste qui allait le conduire aux quatre coins du continent nord-américain. Au Mont-Royal, le principal chemin du parc, qui enlace amoureusement la montagne, porte son nom.
http://ville.montreal.qc.ca/siteofficieldumontroyal/paysage-montagne
[Et en attendant de lire le prochain numéro des Carnets du paysage sur la santé, lire ou relire l’article de Bernard Debarbieux qui évoque le Mont-Royal et les figures de la montagne dans le projet urbain. C’est dans le n° 22, « La montagne ».]
Saison 1, épisode 8
Mardi 14 avril 2020
Nanterre, quartier des tours Nuage. C’est l’une des séances itinérantes du séminaire du laboratoire de recherche de l’école du paysage. Chaque année, nous partons ainsi, une journée durant, à la rencontre de personnes ou de lieux qui entrent en résonnance avec les préoccupations du laboratoire. C’est une autre forme de séminaire que les rencontres statiques, policées, qui maillent les pratiques universitaires. Roger des Prés nous avait donné rendez-vous au pied des tours Nuage de l’architecte Émile Aillaud, à Nanterre, où il habite. C’est à deux pas du quartier d’affaire de la Défense, et tout près du parc André Malraux, dessiné par Jacques Sgard. Nous nous tenons dans l’ombre des tilleuls. Roger, en djellaba, n’est pas seul. Nous cheminerons avec lui et le troupeau ovin de la Ferme du bonheur le long des deux kilomètres qui nous séparent de l’incroyable enchevêtrement autoroutier et ferroviaire où il a une partie de ses terres (le champ de la Garde, sans cesse menacé de disparaître sous les nouvelles infrastructures). Les brebis sont de race Thônes et Marthod (d’origine savoyarde), un nom qui sonne comme celui d’une voiture de luxe. Elles sont particulièrement dociles et familières et ne s’éloigneront guère du bâton à clochette du berger. Roger les appelle familièrement ses
« gigots ». Toute une destinée. En traversant le parc puis les terrasses qui prolongent le Grand axe, au milieu des cubes high-tech de l’urbanisme de la ZAC, notre expédition scientifique se mue en transhumance urbaine, en transurbance comme aiment dire les membres du groupe Stalker. Les enfants rencontrés emboitent magnétiquement le pas au troupeau. Des gigas de données photographiques entrent et sortent des téléphones intelligents de leurs parents qui courent à leur suite. Pourquoi la présence de cette dizaine de bestioles sied-elle si bien à l’environnement des tours Nuage ? Je ne saurai le dire précisément, mais j’ai le sentiment d’avoir vraiment bifurqué vers une forme de relation à la ville qui ne saurait être un nouvel ordre (puisque l’inconnu y participe) ni une utopie (puisque cela existe, platement), mais qui renoue avec l’émerveillement. C’est à portée de main, de bâton.
http://www.lafermedubonheur.fr/
[Et lire ou relire, dans le numéro 33 des Carnets du paysage, l’article de Pauline Frileux, « Le regard mouton et la tondeuse écologique. Des troupeaux collectifs dans la ville »].
Saison 1, épisode 9
Jeudi 16 avril 2020
Mauléon (Deux-Sèvres), vue du Mont Gaillard. Mauléon est une petite ville située dans le nord du département des Deux-Sèvres, dans une petite région connue sous le nom du Bocage. Elle compte un peu plus de 3300 habitants. Face à ses quartiers anciens, le panorama du Mont Gaillard bascule le point de vue du promeneur sur cette ville pittoresque, confortablement implantée au flanc de la vallée de l’Ouin, affluent de la Sèvre Nantaise. Trames bocagères rurales et pavillonnaires se mêlent aux abords de la ville, se prolongent sur la crête par la trace de parcs bourgeois, dans la pente par les terrasses des anciennes fortifications. Les quartiers se distinguent clairement. Aucune erreur n’oblitère le rapport de la ville à la campagne environ- nante. Tout va bien alors ? Le centre connaît cependant les mêmes symptômes de désaffection qu’en de nombreux autres points du territoire national, impliquant des outils de programmation urbaine pour y voir revenir activités et habitants. Mais il s’y passe quelque chose de plus. Il y a un peu plus de deux-cents ans, la ville était l’un des points névralgiques des Guerres de Vendée, qui engendrèrent 200 000 morts. Fermes, villages et édifices civils en portent encore, dans la région, les marques. Fracturée par les découpages départementaux, ce qu’on appelait la Vendée militaire n’offre pas d’appui territorial à une petite région écartelée entre sa proximité à Nantes et son appartenance à la Nouvelle-Aquitaine. Comme en Vendée voisine, c’est une région d’entreprises et d’entrepreneurs, dont la réussite s’affiche peu, ne se clame pas. Peut-on parler de résilience territoriale, sur le temps long ? Mauléon est aussi aujourd’hui l’un des sites d’une des expérimentations sociales les plus stimulantes du moment : elle abrite une démarche Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée. Une Entreprise à But d’Emploi permet à des gens d’explorer des potentialités économiques rarement stimulées ailleurs, qui relèvent de tous les secteurs de la vie courante : jardinage, recyclage, fabrication, services… cela va du démontage des fenêtres mises au rebut à la production de lombriculteurs. Qu’est ce que ça change dans le paysage ? À la fois rien et tout. Allez-y voir*.
*Marie-Monique Robin y a tourné son dernier film, Nouvelle cordée (2019). https://www.esiamebe.fr/
Ceci est le premier article issu de la série « Plongée en carnet ».
Épisodes 1 – 9 /24 épisodes.
Merci à Ana Teodorescu, Céline Lesage et Zoé Bouvet, au service communication de l’École nationale supérieure de paysage de Versailles d’avoir assuré, pendant ces deux périodes d’isolement contraint, la mise en ligne de cette chronique. Merci à l’équipe d’Openfield d’avoir accepté d’en conserver une trace moins évanescente que celle des réseaux sociaux.