Collection Nationale de Betula, A. Le Stum
Depuis plus de 30 ans, j’ai commencé à collectionner les bouleaux. Passionné par les arbres en général, c’est en 1987 que l’aventure débute suite à la rencontre avec Jean Yves Le Soueff, expert, encore plus féru de botanique que moi et sauveur de plantes menacées sur Terre. Il était Conservateur du Conservatoire Botanique National de Brest lorsque nous nous sommes rencontrés à l’occasion d’un comité technique. Dans le même temps ma carrière professionnelle prenant un tournant je me dirigeais vers des activités professionnelles liées au secteur médico-social. En effet, après une formation de paysagiste, j’abandonnais, provisoirement, le service à la terre pour le service aux personnes. En tant qu’éducateur technique spécialisé un autre monde s’ouvrait devant moi….
La structure associative employeur, ouverte en 1980 à Dirinon, dans le Finistère, était située en pleine campagne dans un parc forestier de 60 hectares constitué de bois repoussant sur souches et de clairières. Quelques années plus tard, le parc sera reboisé avec près de 50000 arbres : des pins Laricio, des épicéas de Sitka, des chênes rouges et des hêtres communs, sous l’égide et le suivi de l’Office National des Forêts.
L’établissement accueillait des personnes en situation de handicap, principalement des déficients moteurs. Sous l’impulsion du président de l’association, l’idée de créer un projet d’aménagement d’un espace arboré dédié aux valides et non valides a vu le jour en 1988. Cet espace de 8 hectares, nommé « arboretum récréatif, essences et sens », vise à faire découvrir la qualité du milieu naturel et surtout à favoriser la rencontre entre les personnes handicapées et les personnes valides. Les plantations prévues sont représentatives des cinq continents et une grille de lecture adaptée permet une découverte du paysage par les différents sens. Pour mener à bien ce projet, un comité technique est constitué. Il décide des orientations à prendre en matière de paysage et de plantations pour cet écosystème protégé.
Ce comité technique était constitué entre autres de personnalités diverses du département du Finistère dont le responsable départemental de l’environnement, de représentants de lycées horticoles et d’entreprises de groupements horticoles et donc du Conservateur du Conservatoire Botanique de Brest. Lors d’une réunion, le choix des essences à planter donna lieu à des échanges de point de vue, Jean Yves Le Soueff insuffla la possibilité de mettre en valeur des arbres en vue d’établir une collection. La topographie des lieux, en forme d’entonnoir, se prêtait particulièrement bien aux exigences de certaines espèces d’arbres notamment les bouleaux. La présence de zones humides et exondées serait favorable au développement d’espèces septentrionales et occidentales. L’assemblée était d’accord sur le principe. Il ajouta que personne en France ne collectionnait les bouleaux et qu’il serait possible de développer cette espèce sur l’arboretum. Les choses étant dites, je me lançais dans cette nouvelle expérience avec beaucoup d’ardeur et d’enthousiasme.
Avec l’aide du Conservatoire Botanique de Brest, j’étudiais ou plutôt je lisais avec avidité tous les ouvrages de flores évoquant les Betula, particulièrement celles d’Amériques du Nord, de Russie, de Corée, du Japon, sans oublier la flore européenne. Après la lecture de ces documents, je répertoriais près de 130 à 150 espèces de bouleaux. Puis je me mis en route pour découvrir et étudier la biologie de ces plantes. De plus, Jean Yves Le Soueff me facilita la tâche en établissement la liste des plantes menacées ou en danger dans les flores consultées. Ayant à ma disposition les adresses d’arboretums internationaux et plus spécialement les collections de Betula, je déployais toute mon énergie pour obtenir graines, cutting ou taxons. En premier lieu, c’est l’arboretum de Novy Dvur en République Tchèque (à l’époque la Tchécoslovaquie) qui non seulement me répondit mais m’envoya 4 taxons ; 2 de Betula ermanii et 2 de Betula celtiberica puis d’autres arboretums suivirent avec des graines. J’étais exalté par cette recherche qui s’amorçait. Dès leur arrivée en terre bretonne, ils furent plantés et les graines semées dans des caissettes en polystyrène le tout placé dans une serre vitrée chauffée sur mon lieu d’activité professionnelle. C’était pour moi l’occasion de faire participer les enfants et adolescents dont j’avais l’accompagnement éducatif à des activités pédagogiques sur la découverte des graines et de la diversité du monde végétal. Malheureusement les deux derniers taxons ne restèrent en vie que quelques mois puis desséchèrent rapidement, l’affaire n’était pas gagnée.
En 1990, je plantais les premiers arbres, le bouleau d’Erman (Betula ermanii) et le bouleau de l’Himalaya à écorce blanche (Betula utilis ssp. Jacquemontii), puis suivront d’autres espèces pour un total de plantes d’environ 50. L’étude des Betula pouvait commencer.
En 1993, je décide d’aller outre Manche prospecter dans les pépinières anglaises à la recherche de nouveaux taxons bien différents de ce que l’on peut trouver dans les pépinières françaises. Une nouvelle rencontre m’apportera beaucoup pour la suite de la collection, je l’ai souvent qualifié d’exceptionnelle puisque j’ai pu échanger avec Kenneth Ashburner, le spécialiste anglais des bouleaux. Il va transformer le point de vue que j’avais sur ces arbres et faciliter le développement de ma collection. Depuis de nombreuses années, il collectionne les aulnes et les bouleaux du monde entier et d’ailleurs il obtient en 1995 le titre de collection nationale anglaise pour ces arbres. Ce prix lui est remis par le Conseil National pour la conservation des plantes et des jardins (National Council for the Conservation of Plants and Gardens, NCCPG), aujourd’hui appelé Plant Heritage. Kenneth Ashburner deviendra au fil des années un très bon ami et se déplacera dans le Finistère pour découvrir ma collection.
Pendant cette période, de nombreux collègues, lors de leur déplacement ou de treks à l’étranger me récolteront des graines d’aulnes ou de bouleaux (Suède, Nord de l’Inde, Cachemire, Chine-Yunnan, Népal, Mexique, etc.….). Ils participeront activement au développement de la collection.
Par la suite, une quinzaine d’espèces de bouleaux sera implantée sur le site de l’arboretum à Dirinon. En 1995, le président qui avait démarré le projet du parc décède. De ce fait, les communes avoisinantes semblaient très fébriles à poursuivre leur engagement. Dès lors, une nouvelle page se tournait pour la collection. Je pris l’initiative de tout recommencer près de mon lieu d’habitation où elle se trouve encore aujourd’hui.
Après l’achat d’un terrain de 3000 m2 en 1999, les premières plantations s’opèrent et depuis elles ne se sont jamais arrêtées. L’introduction de nouvelles espèces est continue avec parfois des échecs car les risques dus à la douceur océanique tempérée, légendaire du climat breton, ou aux gelées tardives freinent l’obtention de taxons nordiques ou subtropicaux. Aujourd’hui l’attrait pour les bouleaux demeure dans la rareté de certaines espèces, je suis à la recherche de plantes provenant de Chine.
Enfin dans les années 2000, je suis sollicité par Jean Merret, directeur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans le centre du Finistère et amateur éclairé de plantes, pour faire partie d’un comité scientifique et technique. Jean Merret est un botaniste explorateur hors pair. Il a parcouru des dizaines de fois la planète et a constitué dans deux endroits finistériens une remarquable collection de plantes. Par la même, je fis la connaissance de Franklin Picard de l’APBF (Association des Parcs Botaniques de France) et du CCVS (Conservatoire des Collections Vivantes Spécialisées).
Les Betula
La collection de Betula compte actuellement 150 arbres répartis en une quarantaine d’espèces. Sur ce dernier point, il est toujours compliqué de fixer un nombre d’espèces, entre 45 et 50 serait plus juste. Faisant partie des angiospermes ils sont apparus sur terre au Crétacé supérieur, c’est-à-dire il y a environ 60/70 millions d’années. Des grains de pollens d’Aulnes ont été trouvés au Japon, ils dateraient de plus de 80 millions d’années. Les aulnes sont proches des bouleaux, on peut se demander si ces derniers existaient à cette époque. A part les traces de pollen fossilisé et de morceaux de feuilles isolés, peu d’éléments nous indiquent leur présence à cette période. A partir du milieu du paléogène, 50 millions d’années, leur présence est effective, des fossiles de feuilles de Betula trouvés l’attestent, ils datent de l’époque Eocène (Betula leopoldae).
Les bouleaux sont présents uniquement dans l’hémisphère Nord, leur habitat varie selon les espèces. Certains d’entre eux se développent dans des zones subtropicales (Betula alnoides, insignis), quant à d’autres, ils se situent complètement au-delà du cercle polaire et sont de petites tailles (Betula nana). Morphologiquement, ils peuvent atteindre une trentaine de mètre de hauteur ou être arbustif et même être prostré. Il faut reconnaitre que les bouleaux adorent les régions froides de l’hémisphère Nord, de la Scandinavie aux plaines sibériennes en passant par le nord de la Chine. Ils croissent également de manière vigoureusement dans la forêt boréale canadienne, et dans les forêts mixtes du nord est américain.
Ce sont des arbres monoïques, c’est-à-dire qu’ils portent sur le même arbre les fleurs mâles et les fleurs femelles. Les premières se forment pendant la saison estivale de l’année précédente et se situent à l’extrémité des rameaux, ils libèreront leur pollen l’année suivante. Elles peuvent être groupées par 3, 4, 5 et plus. Les fleurs femelles s’épanouissent en avril-mai, elles sont dressées et se situent le long des rameaux terminaux. Elles sont fécondées par les chatons mâles qui libèrent une quantité importante de pollens. Le mode de dispersion est appelé anémogame. Ce sont donc des plantes anémophiles, le vent les aide à propager le pollen. Pour une bonne partie des espèces, ils s’hybrident facilement, c’est une particularité chez nos amis les bouleaux, ce qui forcément complique de nouveau leur reconnaissance. De nombreux hybrides naturels existent, pour le moment, ils ne sont pas considérés comme de véritables espèces mais à l’avenir lorsque l’on connaitra intimement ces arbres, grâce à la génétique et au séquençage ADN, la classification pourrait évoluer. L’haploïdie du bouleau est de 14 chromosomes (n=14), les espèces diploïdes 28, cependant il faut considérer le bouleau comme une plante polyploïde. En effet, ils existent des arbres diploïdes (Betula pendula), tétraploïdes (Betula pubescent), hexaploides (Betula papyrifera), même dodécaploides (Betula megrelica), etc.…. Cela démontre bien le brassage ou introgression des gènes d’une espèce vers une autre.
La fructification donne des fruits secs dits indéhiscents, en forme de petits cônes, nommés samares. Trois fruits sont présents à l’intérieur de la bractée. La samare est un akène formé d’une petite aile membraneuse. Les graines sont constituées d’une petite membrane fine qui leur permet d’être transportées par le vent et ainsi de conquérir de nouveaux territoires. Ils possèdent cette capacité à coloniser des milieux difficiles, qu’ils soient humides, tourbeux, secs, pauvres. Sur certaines graines de bouleaux, cette membrane est inexistante. Les bouleaux sont des végétaux pionniers, il suffit d’une zone défrichée pour qu’apparaissent rapidement en 2/3 ans ces arbres. Il colonise tous les endroits où la lumière est présente, après un défrichage, dans une clairière de forêt. En France, Betula pubescent est présent sur toute la façade occidentale dans les zones plutôt humides. Son aire de répartition se situe également à l’étage alpin préférant les zones tourbeuses. Betula pendula aux rameaux pendants se rencontrent un peu partout en France également en montagne à l’étage collinéen. Il est également présent en Corse. Enfin Betula nana, relique de l’aire glaciaire, peut être admiré dans le Jura et en Lozère.
En conclusion, Les bouleaux ont beaucoup d’atouts esthétiques : des écorces très décoratives se desquamant parfois en lambeaux, des ports droits ou retombants et un feuillage léger. Ils s’accommodent d’un climat tempéré ou continental, s’adaptent à tous les types de sols. Aisément, ils trouvent leur place dans les projets de paysage. Arbres de lumière, ils n’aiment pas qu’on leur fasse de l’ombre, plusieurs espèces pourraient entrer sur la scène paysagère ou dans la composition d’un jardin d’agrément.
De culture facile, le bouleau de l’Himalaya (Betula utilis) grandit dans le massif du Karakoram à l’Ouest à la chaine Birmane à l’Est. Il trouverait sa place dans les villes avec une architecture urbaine moderne, on pourrait lui associer quelques espèces locales. C’est un bouleau qui croît facilement, son écorce est toujours du plus bel effet. Chaque année en fin d’été, elle se déchire et les reflets d’un soleil automnal sur ces lambeaux est lumineux. La panoplie de coloris existante de ces plantes varie du blanc pur (Betula utilis ssp. jacquemontii) au marron foncé en passant par le saumon, le rose, l’orangé, le violacé, (Betula utilis ssp utilis) et le rouge vif et ou saumoné (Betula utilis ssp. albosinensis). Ils ne dépassent guère les 15m de hauteur. Ce sont des arbres élégants, leur écorce éclatante ne laisse personne indifférent. Une quatrième sous espèce existe mais elle ne comporte pas d’intérêt en paysage.
Le bouleau transcaucasien (Betula medwediewii) est un arbuste fort intéressant de part sa structure arbustive. Son tronc est constitué de plusieurs branches aux couleurs jaune paille et à la végétation buissonneuse. Cette arbrisseau peut atteindre les 7/8m de hauteur, ses feuilles ovales presque arrondies d’un vert singulier l’été, prennent une couleur automnale d’un jaune or puissant et cela tardivement dans la saison.
Le bouleau de petite taille, 3 à 4m de haut (Betula pumila), surtout présent de l’Ouest à l’Est Canadien, est un petit arbuste aux rameaux généralement très pubescents, aux feuilles obovées de faible taille aux revers blanchâtres. Il peut être utilisé dans les jardins en isolé ou associé avec d’autres arbustes, là encore ses couleurs de feuilles automnales vont du jaune pale au rouge vif à cramoisi. Cet arbrisseau aux rameaux fins doit être placé dans les bosquets, dans les massifs arbustifs de nos villes, il peut subir la taille.
Enfin, de nos jours plusieurs autres espèces sont utilisées de façon irrégulière en aménagement urbain comme Betula ermanii, Betula nigra, Betula papyrifera ou Betula alleghaniensis. Les pépinières ornementales ou spécialisées développent quelques unes de ces espèces d’arbres.
En règle générale, les attraits de ces arbres sont les écorces colorées et certains feuillages de quelques espèces.
Quelques troncs de Betula avec une écorce très colorée