Un rongeur méconnu
Le Muscardin est également appelé rat d’or, du fait de son pelage roux doré. La tête et les oreilles arrondies, les grands yeux noirs de noctambule et la longue queue poilue lui confèrent un charme de peluche indolente. Ce Gliridé présente les mêmes caractéristiques que ses cousins le Loir gris et le Lérot : quand vient l’hiver, il se réfugie dans l’abri d’un nid épais, au pied d’un arbre, sous une souche ou un tas de bois et s’endort jusqu’aux beaux jours. Il peut ainsi disparaitre pendant cinq à six mois, d’octobre à avril, suivant les années et le climat. Autre point commun, il est capable de se séparer de la peau de sa queue pour échapper aux prédateurs qui l’auraient saisi par cet appendice, leur laissant un fourreau poilu et vide en guise de repas. Contrairement aux lézards, la queue des muscardins comme celle des loirs ne repousse pas. Les vertèbres, mises à nue, finissent par se dessécher et la queue par tomber.
Le régime alimentaire du muscardin lui vaut également le surnom de croque-noisette. Ce rongeur consomme effectivement des noisettes à l’automne, mais son régime varie fortement en fonction des saisons et de la disponibilité en nourriture. Ainsi, il consommera davantage de chenilles et d’insectes divers au printemps, à la sortie d’hibernation. Jeunes pousses, bougeons, fleurs, pollen riche en protéines et nectar sucré, tout est bon pour le satisfaire. Quand vient le temps des petits fruits, il ne dédaigne par les mûres, noisettes, sorbes, cenelles, baies de sureau, framboises, faînes et cynorrhodon qui lui permettront de constituer ses réserves de graisses pour l’hiver à venir. Il n’a pas d’impact notable sur les cultures.
Le Muscardin ne pullule pas. Les femelles mettent bas jusqu’à deux fois par an et produisent deux à sept petits par portée. Le taux de mortalité est élevé chez les jeunes dans les deux premières années, ce qui explique les densités relativement faibles.
Habitant des haies et des sous-bois fournis
Le Muscardin fréquente des habitats assez variés mais présentant des ressources alimentaires assez variées et abondantes pour lui permettre de subsister et d’élever ses jeunes. Ainsi, on l’observe principalement dans des haies bien fournies, constituées de ceintures [1] bien développées, où le cordon et le manteau seront utilisés en priorité pour la recherche alimentaire et la construction des nids. La diversité des essences arbustives et arborées est un facteur important. Ainsi, la présence simultanée de chèvrefeuilles, de clématite, de ronces, de noisetiers, d’aubépines, de charmes et de châtaigniers sont autant d’éléments favorisant sa présence.
Les boisements clairs à sous-bois fournis sont un autre habitat favorable à cette espèce. Des études récentes menées en Angleterre tendent toutefois à montrer que le muscardin peut également occuper des sites moins riches en essences telles que des pessières, des landes et des roselières. Les densités d’animaux n’y sont cependant pas estimées mais probablement plus faibles que dans les habitats privilégiés.
Le Muscardin construit plusieurs nids au cours de l’été : des nids de repos (six à huit cm de diamètre) et un ou plusieurs nids d’élevage (neuf à douze cm de diamètre) faits d’herbes et de mousse qui reposent dans l’entrelacement des branches et des lianes. Les nids sont disséminés au sein du domaine vital, réduit (environ 150m de diamètre). La structure d’hiver est construite au sol, sous la litière ou dans une cavité et est plus épaisse afin de permettre à l’animal de passer l’hiver sans geler. Cette période d’hibernation rend le muscardin vulnérable à la destruction lors de travaux forestiers ou à certains prédateurs qui peuvent le déterrer dans son sommeil.
Qu’en est-il du Muscardin en Limousin ?
La recherche de cette créature quasi-mythique n’est pas aisée, pour preuve, sur les 75000 données que recèlent la base de l’association, seules 86 la concernent. L’observation directe des individus étant, comme mentionné précédemment, très rare, il est nécessaire de passer par des moyens détournés. Les nids et les noisettes, découpées selon une méthode qui lui est propre, sont des indices de présence assez souvent recherchés. Il est également possible de pousser l’animal à s’installer dans des petites structures artificielles afin de le localiser plus facilement. Ainsi, 180 nest-tubes [2] ont été disposés dans trois sites de Creuse en 2016 par le GMHL. L’objectif de l’étude est de tenter de comprendre quels types de milieux sont occupés par l’espèce. Les tubes ont été disposés dans des zones où sa présence est connue de manière historique et ont été groupés par paquets de vingt dans une zone de haie typiquement favorable, une zone de boisement typiquement favorable et une zone de haie potentiellement défavorable (d’après la littérature). Chaque zone a été photographiée plusieurs fois afin de voir l’évolution de la végétation au cours des saisons et les habitats ont fait l’objet d’une description fine de sa structure et de sa composition floristique.
Les nest-tubes seront vérifiés plusieurs fois entre mai et octobre pour vérifier la présence des animaux. En complément des tubes, un passage nocturne sera réalisé avec une caméra thermique qui permet de détecter les animaux dans les feuillages. Des transects seront ainsi réalisés en automne, à la nuit tombée, afin d’élargir les zones échantillonnées et de tenter de mieux cerner de quelle manière le Muscardin utilise les différents habitats en Limousin.
Préserver les haies : un enjeu de conservation majeur pour l’espèce
Les populations de Muscardin sont en déclin dans certaines parties de son aire de répartition du fait de la destruction et de la fragmentation de l’habitat (Royaume-Uni, Suède, Allemagne, Pays-Bas, France, etc.). Les modifications de pratiques agricoles et sylvicoles engendrent des conséquences importantes pour cette espèce. Ainsi, l’arasement des haies entraînant la disparition du bocage, la banalisation des boisements, l’intensification de l’agriculture, le nettoyage des sous-bois et des zones de fourrés, les tailles de haies et les coupes forestières lors des périodes sensibles et l’utilisation de biocides agricoles agissent en synergie et participent au déclin de certaines populations. Ces effets néfastes sont d’autant plus conséquents que le Muscardin ne parcourt pas de grandes distances (maximum 1200 mètres pour les jeunes nés au printemps, les adultes étant quasi-sédentaires) et ne se déplace pas au sol. La possibilité pour les animaux de rejoindre d’autres habitats plus préservés est donc drastiquement réduite.
Le Muscardin est une espèce intégralement protégée par la Loi française [3]. Son classement dans l’article 2 confère également une protection, malheureusement plus théorique que réelle, à son habitat. La disparition des haies à laquelle nous continuons d’assister ne fait qu’illustrer la faible prise en compte du rongeur dans les pratiques actuelles malgré de la législation en vigueur.
La protection de l’espèce passe par la préservation des haies et de boisements diversifiés au sous-bois dense, l’entretien des taillis, la conservation de zones de fourrés et de clairières buissonnantes. Il est également nécessaire de penser à une échelle paysagère plus globale et d’assurer des corridors boisés entre les différents patchs arborés afin de permettre aux individus de se déplacer aisément et de pouvoir se réfugier dans d’autres sites en cas de destruction.
Outre leur intérêt pour le Muscardin, les haies constituent de véritables passages et lieux de vie pour de nombreuses espèces de chauves-souris, d’amphibiens, de reptiles ou d’insectes. Elles participent entre autres au maintien des sols, à l’épuration et à la régulation de l’eau et à la protection du bétail. Préservons nos haies pour un paysage vivant !
[1] Une lisière ou une haie est typiquement constituée de 3 ceintures : l’ourlet représenté par la zone herbacée, le cordon défini par les arbrisseaux et les arbustes et le manteau composé par les gros arbres souvent dissymétriques.
[2] Tubes de section carrée et longs d’une vingtaine de centimètre fixés sous des branches dans lesquels les muscardins peuvent construire un nid de repos
[3] Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection