Mais ils appartiennent tous à une «collection» ou comment se séparer pour un temps, avant que de se retrouver. Les lignes silencieuses – s’écoutent sans rien dire, un duel s’engage entre bâtiment érigé, pointu, carré et le végétal vibrant, fragile mais libre. Si l’homme a bel et bien « planté » les deux «éléments », sait-il combien l’arbre, l’herbe, les buissons pourront se jouer de lui, au gré des saisons ?
Départ en vacances – ces grandes toiles nous conduisent hors de la « cité » en des lieux de passage qui ne comptent de la vie que des accidents de pylône et quelques traces de fantômes, si l’on n’y prend garde. Mais il y a surtout et d’abord cette végétation vibrante : c’est feuille par feuille que Dorian lui donne l’humanité joyeuse de ses poses indociles. Il reprend alors les recettes de l’école du paysage de la Renaissance italienne et parvient ainsi à transfigurer ces multiples « passages » les poussant même vers une forme de fantasmagorie ! Les jeux d’ombres et de lumières, l’unicité de chaque feuille, la composition particulière tournée vers des cieux plus clairs n’évoquent-ils pas alors, un ou des « paradis » à venir ?
Les images grisées – petits instantanés de 13 x 15 cm sur papier toile – nous ramènent aux limites de la ville. Le boulevard périphérique parisien est saisi dans le sombre du crayon gris. Le soir est-il toujours confiné sous ses ponts, sur ses routes ? Comme un appel au partir? Mais la maîtrise du dessin enchante la douce mélancolie de cet ensemble… Quelques arbres subsistent : nos fantômes sans doute …
Les urbanités – une série d’huiles sur bois, voilà bien le matériau rêvé qui donne sa place et sa valeur aux grands arbres des campagnes… Non, Dorian ne quitte pas la ville : il nommera ces pièces « nature morte urbaine». La ville est ici peinte de nuit, et le matériau est « vernis » par de multiples couches de glassis, un peu comme une miniature du Moyen-Âge. Difficile de ne pas noter la poésie de l’ensemble : un arbre droit comme un «i» fanfaronnant sur un balcon, des toboggans pour petits corps ou un arbre chaussé d’une immense sandale de mosaïque.
Un inventaire à la Prévert.
Si ITINERE est bien un voyage, c’est d’abord celui du peintre. Mais si ses yeux le portent vers des espaces contraints par des murs droits rigides, les ponts serpentins et les routes galbées peuvent alors dans leur rondeur même rivaliser avec la végétation : rivalité fraternelle ou fratricide ? Dans une lettre de Cicéron à son ami Atticus ne trouve-t-on pas « De meo itinere variae sentantiae ». Que l’on peut traduire par « les opinions sont fort partagées sur mon voyage ».
Si ITINERE est bien un voyage, c’est aussi celui du « spectateur » qui jugera lui-même de la couleur de la rivalité : « variae sententiae », mais quelle que soit l’issue c’est l’harmonie de l’ensemble qui prévaudra. Le matériel et l’immatériel mêlés, opposés ou explosés dans une partition cohérente et soignée voilà bien ce que nous offre ITINERE.